Radio Caroline (1964-1990)
Une histoire extraordinaire

Ronan O'Rahilly

Au début des années 60, un jeune entrepreneur Irlandais - Ronan O'Rahilly - ambitionne de faire diffuser les disques de son poulain, le chanteur Georgie Fame.

Pour cela, il obtient un rendez-vous avec les directeurs de la puissante Radio Luxembourg qui émet depuis le Grand Duché pour arroser l'Angleterre où l'unique radio d'état BBC est archaïque. Ils lui rient au nez en disant que leur antenne est acquise à toutes les grandes majors de disque. Ronan O'Rahilly leur répond alors "très bien, puisque c'est ainsi, je vais créer ma propre radio". Les directeurs de Luxembourg croient à une plaisanterie.

Comme pour Luxembourg, il veut émettre en dehors de l'Angleterre mais pas de la terre ferme, d'un bateau ancré en eaux internationales!

Ils n'auraient pas dû rire car le jeune O'Rahilly est têtu. Il achète un ancien car ferry qu'il équipe en navire émetteur. Alors qu'il vole vers les USA pour acheter des émetteurs pour sa future station, il voit dans un magazine une photo de JF Kennedy, au sang irlandais comme lui, avec une toute jeune fille qui bouscule l'ordre policé du bureau ovale: Caroline Kennedy. Sa radio va faire de même, elle va bousculer l'ordre de la vieille Angleterre et Ronan O'Rahilly -selon le mythe 'officiel'- va l'appeler "Caroline".

Pâques 1964

L"histoire extraordinaire" (Georges Pernoud, Thalassa-France 3) de Radio Caroline commence le jour de Pâques 1964 à partir du MV Fredericia, ancré dans l'estuaire de la Tamise:

Le succès de la station est immédiat et immense : officiellement, on reconnaît une audience de près de 10 millions d'auditeurs dans les semaines qui voient le lancement de la station. Une autre station offshore, Radio Atlanta, rejoint Radio Caroline en mai 1964 avec son navire le MV Mi Amigo:

Quelques mois plus tard, les deux stations fusionnent et Radio Caroline émet à travers deux navires, l'un au Nord et l'autre au Sud de l'Angleterre. En 1964, Radio Caroline invente un concept totalement nouveau : une radio libre, commerciale, musicale et européenne. C'est aussi le premier réseau radiophonique indépendant.

Son exemple est suivi et elle est rapidement rejointe par d'autres navires qui servent de base d'émission pour d'autres stations offshore comme Radio London. Mais aussi à bord d'anciens forts militaires installés en mer du Nord pendant le seconde guerre mondiale.

Mais le gouvernement anglais, et d'autres en Europe, n'apprécient pas du tout la liberté de Radio Caroline qui apporte joie, musique et aventure à toute une génération. En août 1967, le gouvernement anglais passe une loi qui rend illégal tout support à une station offshore.

Toutes les radios offshore se taisent, forcées au silence. Toutes, sauf une: Radio Caroline. A minuit, le dj à l'antenne annonce "Radio Caroline continue!". Cette annonce est suivie par 20 millions d'auditeurs le 14 août 1967.

Mais lutter contre un gouvernement et la mer du Nord n'est pas toujours facile et Radio Caroline quitte les ondes en mars 1968. Les Anglais pensent alors que s'en est fini de la flibustière des ondes. Pour faire passer la pilule, Radio One de la BBC est créée, une pâle copie des radios offshore et qui ne plaît pas à grand monde…

Radio Caroline est de retour (1)

Alors que les deux ex-navires de Radio Caroline rouillent aux Pays Bas, un Néerlandais rachète le Mi Amigo et ce dernier revient sur les ondes au large des Pays Bas en 1972.

A la grande joie des auditeurs et au désespoir des gouvernements européens, Radio Caroline est de retour. Radio Caroline continue !

Innovant à nouveau, elle crée un format musical totalement nouveau : sa programmation n'est composée que d'extrait d'albums. La station devient le rendez-vous incontournable des amoureux de musique qui y découvrent plusieurs mois à l'avance les dernières productions des grands groupes de l'époque.

Des radios néerlandaises émettent depuis le navire Mi Amigo, dont la plus connue, Radio Mi Amigo qui est très populaire, notamment dans le Nord de la France (1974-1978).

Après des dérives et échouages, un abordage par la police anglaise, des mâts brisés, etc... les équipages de Radio Caroline se battent pour la maintenir sur les ondes, tant contre les autorités que contre la mer du Nord.

A la fin des années 70, le navire est très endommagé et les problèmes techniques se multiplient, sans réelle source de financement pour y faire face. C'est bien souvent le système D et la dévotion des djs -mais aussi des auditeurs- qui permettent à la station de revenir sans cesse, tel un phénix... Radio Caroline continue !

Fini ?

En mars 1980, la Mer du Nord réussit à faire ce que les gouvernements n'ont jamais accompli : le vieux Mi Amigo coule dans une terrible tempête. Les djs tentent de sauver le navire mais il prend trop d'eau. Les djs restent à l'antenne jusqu'à la dernière seconde. Les derniers mots sur les ondes sont "nous reviendrons!". Grâce à une opération de sauvetage inouïe, ils sortent vivants du navire émetteur en n'emportant que le canari du bord qu'ils veulent sauver.

Le lendemain, la presse du monde entier annonce la fin de Radio Caroline.

Radio Caroline est de retour (2)

Beaucoup se disent que cette fois, l'histoire est achevée pour Radio Caroline.

Mais c'est sans compter sur l'opiniâtreté de son fondateur, Ronan O'Rahilly et du formidable soutien des auditeurs de la radio offshore. En 1983, Radio Caroline revient avec un nouveau navire, le Ross Revenge. C'est la plus fantastique machine radiophonique flottante jamais construite. Un mât antenne géant de 100 mètres de haut, des kilomètres de câbles pour le soutenir et des centaines de tonnes de ballast pour l'équilibrer.

Le 20 août 1983, le même dj qui avait promis trois ans plus tôt que Radio Caroline allait revenir est le premier entendu à l'antenne et il reprend le cours des émissions comme si rien n'était. Radio Caroline est de retour, entamant sa troisième décennie d'émission libre. Radio Caroline continue !

Radio Caroline n’arrête pas d'innover en couplant son émetteur d'un système révolutionnaire totalement inconnu en Europe : le traitement de son. Ainsi, le meilleur signal radiophonique des ondes moyennes en 1983 est celui d'une station qui émet depuis un navire au milieu de la mer.

Mais le besoin de bâillonner Radio Caroline reprend de plus belle au sein des gouvernements anglais et européens. En 1985, les Anglais tentent d'assiéger le station en empêchant le ravitaillement du navire émetteur mais aussi celui de son voisin, le navire Communicator de la nouvelle radio offshore Laser 558.

Si cette dernière finit par lâcher prise, ce blocus est sans effet sur Radio Caroline qui en a vu d'autres. Après quelques mois, les autorités anglaises finissent par abandonner leur siège.

En 1987, les mêmes Anglais modifient la limite des eaux territoriales en y incluant la zone dans laquelle est ancré le navire émetteur de Radio Caroline en comptant bien le saisir. Mais la direction de la radio offshore a des amis et mise au courant, elle décide déplacer le navire. Raté pour les Anglais !

Enfin presque car le nouveau point d'ancrage est très exposé aux mauvais vents car plus éloigné des côtes. Fin 1987, le grand mât antenne de 100 mètres se brise lors d'une terrible tempête et tombe à la mer en manquant d'emporter le navire avec lui. Il n'y a miraculeusement pas de blessé mais la station est muette.

Radio Caroline est de retour (3)

Une antenne de fortune est installée, permettant le retour de la station sur les ondes, deux semaines après la perte du mât antenne.

Alors que personne ne s'y attendait, le signal -faible- de Radio Caroline est entendu sur sa fréquence de 558 kHz et annonce "Radio Caroline est de retour". Radio Caroline continue !

Mois après mois, le système d'antenne est amélioré et au printemps 1989, Radio Caroline a retrouvé un signal puissant et une audience solide en Angleterre, en Belgique, aux Pays Bas et bien évidemment en France.

Pas pour longtemps car la folie s'empare des autorités qui n'en peuvent plus de la liberté de Radio Caroline. Le 19 août 1989, les autorités anglaises et néerlandaises organisent l'arraisonnement du navire émetteur avec une quarantaine d'hommes en armes. Alors que l'abordage a lieu en direct, juste avant la coupure du signal, les djs assiégés et réfugiés dans le studio lancent "nous reviendrons!".

Le navire est saccagé, l'équipement détruit et l'équipage violenté.
La force et des armes contre des jeunes qui passent de la musique aimée par des millions d'auditeurs...

Radio Caroline est de retour (4)

Malgré cet acte de piraterie digne d'un autre âge, tout le monde à bord et à terre se mobilisent. Grâce à un mouvement de solidarité exceptionnel (même le patron de NRJ en France y participe), la station revient sur les ondes, 6 semaines après son pillage et la destruction de son matériel. Radio Caroline est de retour. Radio Caroline continue !

Le gouvernement anglais est humilié et il réagit en légalisant l'illégal : il vote une loi l'autorisant à aborder n'importe quel bateau, n'importe où, en protégeant les abordeurs d'une immunité totale, sur le simple "soupçon" de contenir des émetteurs. Action qui n'est même pas possible contre des trafiquants de drogue...

Le fondateur de Radio Caroline, Ronan O'Rahilly annonce qu'il ne se pliera jamais au diktat des Anglais.

Sous la pression de la nouvelle loi anglaise des désaccords naissent au sein de Radio Caroline : il y a ceux qui veulent poursuivre l’aventure en mer et ceux qui souhaitent arrêter pour aller à terre.

Le 5 novembre 1990, Radio Caroline ferme son antenne. Elle en sera plus ré-entendue... La plus grande radio libre de tous les temps vient de disparaitre...

Trahison

Cependant, le navire reste ancré en eaux internationales, Ronan O'Rahilly cherchant une solution permettant de poursuivre les émissions sans subir les agressions des Anglais. Malheureusement, le Ross Revenge perd sa chaine d'ancre dans une tempête et s’échoue. Il est remorqué au port en Angleterre et immédiatement saisi par les Anglais qui jubilent !

Peter Moore -bras droit de Ronan O’Rahilly à la fin des années 80- négocie avec les officiels anglais du DTI (qui ont abordé illégalement le navire émetteur en 1989). Il s’engage à ce que le navire ne revienne jamais en mer alors qu'il a promis le contraire à Ronan O'Rahilly et aux supporteurs de Radio Caroline. En échange de ce deal infamant, il peut garder le Ross Revenge sans pourtant en être le propriétaire. Une future licence légale à terre est à la clé...

Il a donc trahi tout le monde et renié sa parole contre la volonté de Ronan O’Rahilly et des supporteurs de la station (et notre association qui continuait à donner de l’argent pour maintenir le navire à flot et l’entretenir en vue d'assurer la promesse de le ramener en mer).

Prendre le nom de Radio Caroline est à la portée de tout le monde… mais que dire lorsque l’on se prétend  être "La" Radio Caroline en étant prisonnier des autorités anglaises et depuis la terre ferme ? Radio Caroline, c’est en mer, libre et rien d’autres. Ou alors... ça n’est pas Radio Caroline !

Fini ?

Est-ce la fin de Radio Caroline ? Non car bien des gens rêvent de revoir la station légendaire reprendre la mer afin de témoigner de ce formidable combat pour la liberté des ondes.

Si la radio a suscité tant d'enthousiasme au début des années 80, la population la plus importante en Europe est désormais celle des "déçus de la radio". Ils sont des millions à en avoir assez de ces radios qui disent toutes la même chose, de la même façon et en exploitant l'auditeur comme "une part de marché". Ils veulent une radio qui leur permet de rêver en fournissant musique et plaisir mais aussi aventure et nouveauté...

Si vous lisez l'anglais, alors vous devez consulter notre site dédié à Radio Caroline et qui raconte en détails toute son histoire, avec de très nombreuses photos et de multiples extraits sonores.

Comment et pourquoi France Radio Club a soutenu Radio Caroline ? La réponse est ici

 

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