Paris Normandie 2/02/1971

 
LA STATION DE LOUVETOT PROCEDE AUJOURD'HUI

A LA REEMISSION DES PROGRAMMES

ENVOYES DE PARIS PAR CABLES SOUTERRAINS

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Le pylône de Louvetot mesure cent vingt mètres de haut ! On ne le dirait pas ! De là-haut on découvre toute la campagne environnante. On voit la centrale électrique de Yainville comme si elle était à vos pieds.

Cette station de Radio Normandie, M. Ledeunf, chef de centre, un béret inamovible sur la tête, le mégot solidement ancré à la commissure des lèvres en parle avec la fierté d'une mère de famille à qui on fait l'éloge de ses enfants. A la soixantaine, M. Ledeunf a vécu les grandes heures de la station, ses joies, ses déceptions et ses peines. Des péripéties mouvementées, émaillées d'événements de toute sorte, qui emplissent de nostalgie ses souvenirs.

« Les premiers essais de radio, je les ai faits vers les années 1925, à Contremoulins, à côté de Fécamp. C'était à ce moment, pour le compte du Radio‑Club de Fécamp qui n'avait que dix‑huit membres, et dont l'objectif essentiel consistait à réunir tous les amateurs de T.S.F., à les initier aux mystères de cette science nouvelle, pour leur présenter les nouveautés et au besoin les guider dans le choix de leurs appareils. On comprend que le succès en était très limité ».

LA CRÉATION

En fait, sans la mise en exécution des projets qui, dès 1926, occupèrent les dirigeants de la société, l'action de ce radio‑club serait restée tout à fait inaperçue. Car à cette époque, les amateurs - ils n'étaient pas légion ‑ ne fréquentaient pas les émissions et le local demeurait désespérément vide. C'est finalement la nomination au poste de président de M. Fernand Legrand, un très vieil amateur de T.S.F., qui allait donner au club son élan, grâce d'une part à ses nombreuses relations dans les sphères scientifiques de la capitale, grâce aussi au ressort financier qu'il allait promouvoir à cette occasion. Dès 1926, Radio Fécamp ressent la nécessité de construire un nouvel émetteur, pour permettre une plus grande diversité de programmation.

« C'est l'époque de Vincelli‑la‑Grandière, dit M. Ledeunf, avec la précision d’un érudit, clignant des yeux et rabattant par derrière son béret sur le nez, pour mieux se souvenir. Nous avions un émetteur qui couvrait tout juste Le Havre. L'ancienne salle de la rue Georges Cuvier fut transformée en auditorium et reliée à l'émetteur ».

Pourtant la portée restait faible, aussi le président Legrand décida‑t‑il de faire planter au sommet de la falaise, deux grands mâts de 50 mètres, solidement haubanés. La diffusion à partir de cette période va s'étendre, grâce à la mise en place de nombreux auditoriums, au Havre à l'hôtel Frascati, à Rouen en 1931, pour permettre la retransmission des fêtes du cinquième centenaire de la mort de Jeanne d'Arc, enfin, au Tréport, Eu, Mers.

IMPLANTATION A LOUVETOT

En 1933, les progrès accomplis sont considérables pour l'époque, les deux mâts sont remplacés par deux pylônes de cent mètres de hauteur augmentant du même coup la portée de l'émetteur, permettant la jonction avec d'autres postes nés eux aussi, de sections d'auditeurs.

Pourtant, dans l'esprit du président, ce ne sera encore là qu'une étape, et en 1935 le poste Radio Normandie de Fécamp obtient l'autorisation de s'installer à Caudebec‑en‑Caux, point stratégique de la Normandie pour la diffusion des ondes. C'est là encore un nouvel essor. Les installations seront réalisées en dépit des difficultés et des réticences de toutes sortes.

« En 39, se souvient M. Ledeunf les programmes étaient ainsi faits. Le matin, des émissions en français de 6 heures à 9 heures puis ensuite, des émissions en anglais. Il s'agissait là d'une radio anglaise, qui avait son studio dans une salle de l'ancien château de Caudebec, aujourd'hui la mairie. Ils émettaient chez nous pour pouvoir faire de la publicité, car en Angleterre, c'était interdit. Tout le personnel était anglais, cependant leurs programmes plaisaient bien aux habitants du coin car ils avaient de bons orchestres ».

REEMISSION SUR ONDES MOYENNES 

La guerre n'interrompit pas l'activité de Radio Normandie, mais la station passa bien entendu sous le contrôle de l'occupant pour devenir Radio Paris, que les personnes d'une certaine génération évoquent sur une mélodie célèbre.

« Les nouvelles, explique M. Lenormand, un autre « ancien » de Radio Normandie, étaient données par le célèbre journaliste Jean Hérold Paquis ».

Après sa destruction en 1943 par un incendie provoqué peu avant la débâcle par les Allemands, Louvetot renaîtra cependant de ses cendres, en passant sous contrôle d'Etat, statut qu'aujourd'hui elle a conservé. Une vocation qui n'a pas changé depuis la fin de la guerre.

Actuellement émetteur de l'O.R.T.F., Louvetot procède sur une longueur d'ondes de 214 mètres, ondes moyennes, à la réémission des programmes nationaux expédiés par câbles souterrains par la direction centrale de Paris. De 5 h 30 du matin à 23 heures l'antenne de la station émet sur un champ d'action de 100 kilomètres de rayon environ, certains programmes communs avec France Inter, France Musique et France Culture, ainsi que certains magazines d'informations régionales, et une série d'émissions assez spécialisées ou localisées, comme des chroniques boursières, des magazines destinés aux agriculteurs adaptés au contexte local.

Cependant, cette généralisation des programmes, ôtant à la station toute initiative personnelle, l'a quelque peu « dévitalisée ». Car Louvetot, depuis 1939, a perdu l'une de ses fonctions essentielles, une voix propre, qui soit le, reflet de la vie et des activités régionales.

P. B.