Texte publié dans Offshore Echos Magazine n° 117/118/119         

 

 

A LA RECHERCHE DES ONDES PERDUES

   

Vu du côté britannique, l’avènement des stations offshores émettant dès les années 60 ne représente en aucun cas la naissance de la radio commerciale outre Manche. Dès les années 1930, les ondes parviennent du continent à partir d’émetteurs privés comme le Poste Parisien, Radio Normandie ou Radio Luxembourg pour le compte de l’IBC, l’International Broadcasting Company, organisme considéré déjà comme illégal par la toute jeune BBC. L’histoire fascinante retraçant la naissance de la radio commerciale en Europe est relatée ici-même par les anciens disc-jockeys ou speakers de Radio Normandie, Alain Thompson.

Bob Danvers-Walker - dit “Oncle Bob” nous parle des premiers studios construits dans une grange et des phonographes utilisés pour passer les disques expédiés de Londres. Roy Plomley explique comment il a obtenu son emploi de speaker sur Radio Normandie avant de partir au Poste Parisien. La guerre en Europe, sonne le glas des stations privées. Les Nazis détruisent et confisquent les émetteurs de l’IBC et utilisent Radio Luxembourg pour émettre leur propagande grâce au traître “Lord Haw-haw”, William Joyce dont les discours infâmes tentent de démoraliser les auditeurs britanniques. Après la guerre, station commerciale des premiers jours, Radio Luxembourg, seule survit.

 

Alan Thompson : On peut se demander combien de temps faut-il remonter en arrière pour découvrir l’origine des programmes de radio qui nous entourent actuellement ? Les émissions commerciales en Europe existaient bien avant qu'elles n’apparaissent en Grande-Bretagne, avec les stations offshores des années 60.

Vous voyez, dans les années 30, des milliers de personnes en Grande-Bretagne se réglaient sur des émissions en anglais dirigées vers nous à partir du continent par les stations comme le Poste Parisien, Radio Luxembourg et Radio Normandie. Aussi, avec Dave Howell, je vais vous raconter l'histoire de cette période, grâce aux témoignages de nombreuses personnalités bien connues.

Rappelons-nous il y a seulement quelques (dizaines !) d’années, l’indicatif chanté d'une émission de Radio Normandie:

"This is Radio Normandy calling you. A travers la nuit, à partir de la scène du théâtre de l'Alhambra à Bradford, c'est Radio Normandie qui vous appelle...” ou encore "Ici, Radio Luxembourg, sur notre nouvelle longueur d'ondes de 208 mètres, sur la gamme des ondes moyennes. Ce programme offert par Hunthy and Farmer's, fabricants de biscuits et gâteaux, a le plaisir de vous présenter chaque semaine l'évolution de la musique pendant les dix dernières années. Nous commençons notre série par une sélection de musiques composées au moment même où Huntley et Farmer's lancent leur usine il y a 100 ans. N'oubliez pas que Huntley and Farmer's sont synonymes de qualité. Nous commençons notre concert par notre indicatif : "Musique à travers les âges...”

 

Le programme commercial le plus ancien semble avoir été diffusé en 1925 par Radio-Paris, depuis la Tour Eiffel, à l’initiative d’un homme entreprenant le Captain Leonard Franck Plugge. L'émission se composait d'une causerie en anglais consacrée à la mode sponsorisée par Selfridge's, le célèbre magasin d’Oxford Street. Malheureusement, l'émission ne fut pas annoncée à l'avance, et seulement trois personnes écrivirent pour dire qu'elles l'avaient entendue. Peu après, le Captain L. Franck Plugge fonde l’International Broadcasting Company (I.B.C.), une société chargée d’exploiter la radiodiffusion commerciale, interdite en Grande-Bretagne, en achetant du temps d’antenne aux émetteurs privés étrangers où les lois étaient plus souples.

Deux ans plus tard, Radio Hilversum, près d'Amsterdam, diffusa un concert destiné aux auditeurs du Royaume-Uni, le premier d'une série sponsorisée par Kolster Brandes Ltd, une manufacture d’équipement de radio. Dès 1929, des émissions en anglais étaient diffusées sur Radio Toulouse. Mais ce fut dans les années 30 que l'Europe connut son plus grand développement de la radio commerciale.

En juin 1931, Fernand Le Grand, le propriétaire de Radio Normandie se rend à Londres pour voir les premiers essais de télévision selon le système Baird. Il y rencontre le Captain Plugge et les dirigeants de I’International Broadcasting Company (I.B.C.). A leur demande, à son retour à Fécamp, Fernand Le Grand accepte de réaliser sur sa station une première émission nocturne, le dimanche 29 juin de minuit à 1 heure du matin, afin que I’I.B.C. puisse effectuer des mesures d’écoute. Celles-ci sont très satisfaisantes et le principe d’une collaboration est mis au point.

Le 20 décembre 1931, Radio-Magazine s’étonne :

“On nous signale de curieux essais de Radio Normandie sur 246 mètres environ. Ces émissions faites le 13 décembre, de 22 heures à 1 h 30 du matin, fort nettes et bien modulées, comportaient un concert de musique anglaise offert par une maison de Londres et ont été entendues dans de bonnes conditions à Montpellier.”

 

C’est la concrétisation des accords de Fernand Le Grand avec l’I.B.C. Radio Normandie devient ainsi, à certaines heures nocturnes, un “périphérique anglais”. La station localisée à Fécamp, était connue initialement jusqu’en 1929 comme Radio Fécamp avant de changer de nom. Elle se développe, au cours de l’année 1932, grâce aux ressources nouvelles fournies par les émissions anglaises, d’une part, et à la publicité nationale que lui apporte, pour ses émissions françaises, l’agence Publicis. La publicité régionale, est récoltée par le service commercial de Radio Normandie, dont la direction est confiée à M. Auzillon.

 

Fernand Le Grand annonce, d’une part, que d’autres studios décentralisés seront créés dans d’autres villes de la Seine Inférieure et que des démarches sont faites auprès des pouvoirs publics pour déménager la station, et la situer en dehors de toute agglomération en un point plus central de la région. La future station aura de 5 à 25 kW antenne. On comprendra la raison et l’origine de ces projets lorsqu’on constate que l'assemblée générale de la société anonyme des émissions Radio Normandie procède, le 21 mars 1931, à une augmentation de capital souscrite, pour l’essentiel, par l’International Broadcasting Company limited. De cent mille francs, le capital social passe à cinq cent mille francs. Deux représentants de l’I.B.C. entrent au conseil d’administration: MM. Albert-Edouard Leonard et Leonard-Franck Plugge, domiciliés à Londres. Depuis novembre 1930, le poste complète ses programmes devenus quotidiens, à l’exception d’une soirée par semaine pour permettre aux auditeurs fécampois proches de l’émetteur de capter d’autres émetteurs.

 

Les premières émissions de l’IBC commencent donc en 1931 sur Radio Normandie pendant les pauses des émissions françaises. L’émetteur de 25 kW (fonctionnant à 8 kW) est installé à deux pas de la distillerie de “La Bénédictine”. Il est entendu sur 269,5m dans tout le sud de l’Angleterre. La plupart des programmes - des shows de quinze minutes - sont pré-enregistrés à Londres. Pas moins de vingt-et-une firmes britanniques patronnent ces programmes de musique légère et de variétés. La publicité est interdite outre-Manche. Ce sont les marques de cigarettes, les centrales de distribution d’alimentation, les transporteurs maritimes, les éditeurs de disques, les fabricants de postes de radio, l’industrie du film, les concessionnaires automobiles et les détaillants. L'argent coule à flots. Les firmes britanniques dépensent 400.000 £ en 1935, et près de 1.700.000 £ de publicité vers 1938. Il y a aussi quelques émissions en direct.

Les émissions anglaises, à partir du 1er février 1932, ont lieu les samedis et dimanches jusqu’à 3 heures du matin sur 233 mètres et, dès fin février en semaine, de minuit à 1 heure du matin. L’équipe anglaise du poste commence à se gonfler. Les speakers venus de Londres sont Bob Danvers Walker (dit “Uncle Bob”), son épouse et E.J. Oestermann, que rejoindront bientôt John Sullivan, Ian Newman, D.J. Davies et H.V. Gee. L’émetteur a toujours une puissance officielle de 500 watts, mais de nouveaux étages amplificateurs lui donnent, en réalité, une puissance de 8 kW.

 

L’année 1933 constitue une année d’expansion pour Radio Normandie. La station augmente encore discrètement sa puissance, mais l’installation de ses nouveaux pylônes va déclencher une nouvelle offensive des P.T.T. Pour changer ses vieux mâts d’antenne haubanés que le vent d’hiver secoue et que rongent la rouille et les embruns, Fernand Le Grand commande deux pylônes tripodes autoportants de 100 mètres, à une firme parisienne de construction métallique, La “Construction soudée”, que les techniciens montent en mars et avril 1933. Non seulement ces travaux ne passent pas inaperçus - il faut construire un bout de route et un petit chemin de fer Decauville pour transporter sur place les éléments dont certains pèsent plus d’une tonne - mais encore tous les journaux publient la photo (excellente promotion) de Francine Lemaitre, la speakerine française de la station, bravant le vertige et escaladant les 80 mètres déjà érigés du premier pylône.

En mai, une campagne anti-Radio Normandie démarre dans un certain nombre de journaux. Le Haut-Parleur mène la danse en écrivant :

“La construction à Fécamp, de nouveaux pylônes d’antennes pour Radio Normandie a fait naître une émotion considérable dans les milieux sans-filistes normands. Avec un zèle de bénédictin, le directeur du poste s’efforce de convaincre les auditeurs de ce que la puissance ne sera pas augmentée. Mais il se garde de spécifier le nombre de kilowatts actuellement employés. Reconnaître les 16 kW qu’il imprime sur des prospectus (ndlr : les tarifs de publicité de la station pour l’Angleterre), c’est avouer la fraude envers I’Etat. Déclarer une puissance inférieure, c’est avouer la fraude envers les clients de la publicité. Et M. Le Grand ne peut rien répondre aux sans-filistes protestataires de la région qui se plaignent de ce que Radio Normandie les empêche d’entendre d’autres stations”.

 

De son côté, véritable usine à programmes, l’IBC fournit des émissions à près de vingt stations différentes partout en Europe. Au milieu des années trente, des programmes patronnés sont diffusés vers le Royaume Uni à partir de France, d’Ulster, de Hollande, d’Espagne et du Luxembourg. En 1936, un reportage dans la presse évoque des projets d’autres stations à partir d’Islande, d’Irlande et même à bord de bateaux ancrés en eaux internationales ! Nulle doute que l’effort le plus important restera pour Radio Luxembourg et Radio Normandie.

 

Alan Thompson :Au début, l’IBC, ce n’est qu’un bureau et une dactylo. Puis, il y a deux bureaux, trois dactylos, deux tables à cartes, des casiers en carton pour classer le courrier des auditeurs. En 1939, l’IBC occupe un immeuble de bureaux et un complexe de studios à Portland Place à Londres près des studios de la BBC. Dehors stationnent les camions d’enregistrement pour les reportages et le personnel à plein-temps se chiffre à près de 180 personnes.

Contraste de l’autre côté de la Manche : vous seriez pardonnables si vous pensiez que Radio Normandie résidait dans un majestueux environnement avec du marbre partout. Mais ce n'était pas tout à fait comme cela, comme l'explique Bob Denvers-Walker” :

 

Bob Denvers-Walker : "Le studio était ainsi : c'était un grenier à foin au-dessus d'une écurie. Un toit en pente, des murs blafards, avec un vieux tapis, ou des morceaux de tapis passés au soleil. Nous étions juste au-dessous du grand clocher de la Bénédictine, la fabrique de liqueur bien connue. En dessous, c'était le local où se trouvaient jadis les chevaux des chariots de livraison, mais il avait été transformé par les Français en un bureau d’accueil pour les livreurs et les secrétaires. Au milieu de la pièce, il y avait un de ces poêles "Blackjack" si vous voyez ce que je veux dire. C’était une chose énorme avec un conduit de cheminée montant jusqu'au toit, et chaque fois que l'on versait du charbon dans ce poêle, il n'y avait pas d'isolation sonore, aussi chaque fois que l'on ouvrait le micro, on arrêtait le cliquetis des machines à écrire, et on évitait aussi de verser du charbon. Comme les Français aiment être bruyants, nous devions ouvrir la porte et crier en bas : "Silence, s'il vous plaît" ; alors nous ouvrions le micro et faisions nos annonces, surtout au moment d’une réclame importante. Une fois cela terminé, nous mettions nos disques en marche. Alors nous disions : "Allez-y", et elles reprenaient leurs machines à écrire ou versaient de nouveau du charbon sur le feu”.

 

Alan Thompson : “Les présentateurs travaillant à la station remplissaient parfois leurs obligations dans un grand stress. En plus, il n'y avait pas de tourne-disques électriques ni de tables de mixage. Aussi, comment se débrouillaient-ils pour réaliser des programmes préenregistrés ? Eh bien, d'abord, tout le programme était contenu sur un seul disque à mettre doucement sur un phonographe. Il s'agissait de disques cassables, à 78 tours par minute. Pendant la durée d'émission, nous pouvions nous absenter.

Le succès était si fantastique que le tout le sud de l'Angleterre était à l’écoute. Les gens avaient pris l’habitude de s'accorder sur Radio Normandie. Ils tournaient les boutons de leurs postes, et malgré les gazouillements, attrapaient des stations de tout le continent. D’autant meilleur était le poste, de plus loin, ils pouvaient capter. Aussi quand ils entendaient ces programmes en anglais, particulièrement lorsque la B.B.C. ne fonctionnait pas, ils s'accordaient dessus, c'est fou, parce que nous présentions le genre de choses que Radio-One et la radio commerciale font aujourd’hui : toute la musique populaire du début jusqu'à la fin de nos heures d'émission. Bien sûr, nous nous développions sans cesse. L’empire croissait. Durant les neuf ans que cela a duré jusqu’à la guerre, j'étais responsable de l'installation et de la mise en place du programme commercial destiné à neuf stations différentes où, à part Fécamp, il y avait Toulouse, un poste situé dans le sud de la France, le Poste Parisien à Paris, Radio Lyon, puis ensuite le réseau espagnol ouvert en 1933 ou 34, juste avant la guerre civile espagnole, ou cela a été un moment difficile. Il y avait Radio Madrid, San Sébastian, Barcelone, Valence. J'étais responsable de toutes ces choses plus tranquilles, et à l'époque ou la guerre éclata, le réseau commercial de l’IBC était extrêmement important. Naturellement, nous étions entrés dans la période des programmes enregistrés, produits par la compagnie elle-même, et automatiquement, je les ai amenés à s'engager dans la présentation de productions beaucoup plus élaborées, enregistrées d'abord sur des disques incassables en acétate, et ensuite, progressivement sur... Oui ! des films !!! Sur du film 35 mm, parce que nous avions installé à Radio Normandie des projecteurs de cinéma Western Electric comme vous en trouveriez dans la salle de projection d'un cinéma, une chose formidable, parce que la piste sonore était la seule partie utilisée du film, seulement la piste sonore, et les programmes étaient enregistrés ainsi. Les Overteenies (programmes pour les enfants), les programmes Melitta Stockings, et un grand nombre de sponsors faisaient enregistrer leurs programmes sur film et étaient envoyés ainsi. Nous devions conserver notre calme, parce que nous n'étions pas seulement speakers, nous étions aussi ingénieurs, producteurs, nous devions faire le travail administratif, tout faire : travail, repas, sommeil, travail, repas, sommeil, c'est tout ce que nous faisions, sans oublier le remplacement des speakers, qui venaient là-bas (à Fécamp) pensant qu'ils seraient uniquement speakers : ils ne voyaient là aucune jouissance et finissaient la plupart du temps par démissionner.”

 

Pour les programmes en français, un véritable service des informations est créé et les nouvelles matinales sont données dans une première émission à 7 heures du matin, tandis qu’un dernier bulletin donne, de minuit à 0 h 15, les informations de Londres en langue anglaise et de 1 h du matin à 1 h 15, les nouvelles de Paris en français. Une remorque est équipée du système “Le Ruban Sonore”, utilisant à l’enregistrement, un procédé de gravure électro-mécanique par pointe de diamant sur un film 16 mm en papier noir opaque d’acétate de cellulose défilant à vitesse constante. Pour la reproduction, on se sert du procédé de lecture du cinéma sonore par cellule photo-électrique. Cet équipement permettra de reprendre, mais en différé cette fois, la retransmission des émissions et des concerts organisés par les sections de I’Association des auditeurs de Radio Normandie.

La parution du décret du 26 décembre 1933 est peut-être I’arrêt de mort de la station normande. II précise qu’à dater du 15 janvier 1934, les stations de radiodiffusion privées devront se conformer aux dispositions de la Convention européenne de Lucerne. Radio Normandie devra désormais émettre sur 200 mètres de longueur d’onde ou se voir retirer son autorisation. Or, la majorité des récepteurs en fonctionnement ne sont pas étalonnés pour descendre sur cette fréquence de 1500 kHz. Radio Normandie perdra 80 % de son auditoire. La coupe est pleine. Au lendemain des fêtes de fin d’année, une délégation de députés et sénateurs de la région normande se rend à Paris pour effectuer une démarche auprès du nouveau ministre des P.T.T. qui a succédé à Laurent-Eynac, Jean Mistler. II y a notamment le sénateur Charles d’Harcourt, les députés et anciens ministres Camille Blaisot et Georges Bureau, leurs collègues Duschesne-Fournet, Joseph Laniel et le duc François d’Harcourt.

Jean Mistler consent à réserver, à titre provisoire, la longueur d’onde de 206 mètres disponible pour Radio Normandie et promet qu’un renforcement de la puissance de l’émetteur pourra être accordé ainsi que le rétablissement des circuits P.T.T. En attendant les textes officiels, la station normande pourra poursuivre son exploitation dans les conditions actuelles. Radio Normandie est sauvée. Son développement et l’extension de son écoute ne cesseront plus jusqu’à la guerre.

 

En 1935, l’IBC forme une unité de production de programmes dans le but d’assister un nombre grandissant de firmes intéressées par l’utilisation de la radio. Entre 1935et 1939, cette unité de production a réalisé 5000 programmes malgré la concurrence grandissante des agences de publicité qui elles aussi se sont lancées dans la production. Les premiers studios et bureaux étaient situés au 11, Hallam Street, London W1, mais la station bientôt prend possession du n°9 ainsi que du 8 et 9 de Duchess Street. Par une étrange ironie du sort, l’intégralité de la propriété a été rachetée par la BBC pour l’extension de Broadcasting House.

 

Grâce aux soutiens locaux, le poste fondé à Fécamp dans un radio-club devient la puissante Radio Normandie qui défie les offensives du directeur irascible des P.T.T. Marcel Pellenc. Elle continue, à la fois, à être le grand poste régional normand et à développer ses émissions à destination de la Grande-Bretagne dont il est le “premier périphérique”. Son animateur-fondateur, Fernand Le Grand, obtient du ministre Georges Mandel, l’autorisation de transférer sa station de Fécamp à Caudebec-en-Caux, sur le vaste plateau de Louvetot, par décret du 7 août 1935. Le 30 novembre de la même année, la première pierre de l’édifice du nouvel émetteur est posée officiellement, en présence du sénateur Thoumyre, président du conseil général, du sous-préfet Rix et du chef de cabinet de Camille Blaisot, sous-secrétaire d’Etat à la présidence du conseil. Le ministre des P.T.T. a délégué son directeur, inspecteur général de la radiodiffusion, Marcel Pellenc, qui présidera le déjeuner réunissant toutes les personnalités présentes. Ancienne “bête noire” des radios privées, dont le ministre a su modifier le point de vue, Marcel Pellenc a l’humour de terminer ainsi son discours :

“... Et je me permettrai de vous signaler que c’est peut-être pour les sans-filistes, l’occasion de marquer d’un signe particulièrement reconnaissant envers M. Mandel, ce fait que, pour la première fois que je m’assieds à la table d’un poste privé, nous prenons acte d’une étroite collaboration féconde dont profitera la radio, à l’intérieur de nos frontières, et l’extension de l’art français a l’étranger.”

 

L'expansion de plus en plus importante de l'IBC en Europe n'a pas été inaperçue de la BBC qui, soit dit en passant, diffuse en Angleterre depuis le début des années 20.Les émissions étrangères émises principalement le dimanche, démontrent qu’elles sont plus populaires que celles de la BBC réputées pondérées et sans imagination. A un certain moment, la BBC a demandé à la Poste de ne pas donner d'avantages à des stations qu'elle considère comme pirates (ndlr : une vieille habitude !), et des efforts sont faits pour les interdire. Lorsque Radio Luxembourg a commencé à émettre en grandes ondes, sur une longueur d’onde non reconnue par le plan de Prague de 1929, la représentation du Post Office à l’Union Internationale des Télécommunications s’est plainte de l’utilisation d’une fréquence non autorisée par le Luxembourg, ce qui n’a eu aucun effet puisque ce pays n’était pas membre de l’UIT. Cependant Radio Normandie émet à ce moment sur son canal autorisé - 212mètres. Le Post Office a demandé aux gouvernements français et luxembourgeois d’interdire les émissions commerciales de cette nature. Ceci en pure perte. (ndlr : époque bénie ?) Les tentatives de faire admettre des résolutions aux conférences internationales de radiodiffusion rendant toutes émissions illégales vers le Royaume uni, ont aussi échoué.

Le seul moyen de gêner les émissions est de refuser les liaisons téléphoniques destinées à relayer les programmes de Grande-Bretagne vers les émetteurs sur le continent.

En 1937, l’IBC déménage en bloc au 37, Portland Place. Les nouveaux locaux couvrent cinq niveaux et représentent une surface de 10.000 m2.

 

Alan Thompson : “Le nouveau média avait attiré un nombre considérable d'artistes du monde du théâtre et des variétés, des noms qui apparaissaient dans le choix des sponsors de l'époque. Roy Plomley devenu célèbre à la B.B.C., arriva un jour à Radio Normandie” :

 

Roy Plomley : "J'ai rencontré le patron, l'administrateur général Richard Maire, un excellent homme de radio en vérité, il m’a écouté, et nous avons parlé de la radio commerciale et de ses problèmes, auxquels, naturellement, je m'intéressais, et il avoua que l'un de ceux-ci était qu'il n’y avait que quatre anglais dans cette petite communauté, ce petit port de pêche du Nord de la France, Fécamp. Et en hiver, les choses devenaient moroses : il n'y avait pas de colonie anglaise, ils étaient seuls confrontés aux problèmes d’humeur et d’alcool des membres de l'équipe.”

- “Eh bien, me voici, parce que je ne veux pas rester sans travail tout le temps comme la plupart des jeunes acteurs, qui perdent tout leur temps", et il dit : "Très bien, vous allez passer une audition". Ainsi, je suis retourné un peu plus tard aux studios de l'U.P.C., l'unité de production de l'I.B.C. à Kilborn High Road. C'était un studio qui avait été utilisé par une maison de disques qui a disparu du marché. J'ai constaté qu'il y avait trois autres personnes attendant pour une audition. Je pensai n’avoir aucune chance d'obtenir le poste. Il y avait là un jeune acteur, qui joue encore, nommé Peter Bennett, et un homme qui se disait être le représentant à Paris du Punch (un journal satyrique), je n'arrive pas à comprendre pour quelle raison le Punch avait besoin d'un représentant à Paris, et un troisième homme dont j'ai oublié le nom qui tenait un studio d'enregistrement à Londres. J'entrai dans le studio à mon tour, on me donna quelque chose à lire et je dus faire des annonces. Tom Ronald, ancien producteur de variétés à la B.B.C., installé depuis des années à Radio Normandie, sortit de la salle de contrôle et me remercia. A quoi je lui répondis à mon tour : "Merci beaucoup". Je rentrai chez moi, et reçus un appel téléphonique : "Pourquoi n'avez-vous pas attendu?" Ils voulaient me voir pour refaire un essai de voix destiné aux patrons. Hélas le lendemain, le système d'enregistrement était en panne, et ils m'envoyèrent au studio de Baker Street, où j'obtins l'emploi, et partis pour Fécamp, envié par tous mes amis acteurs. Je n'avais pas d’emploi permanent, mais j'avais un mois de travail assuré, ce n'était pas si mal, j'avais la sécurité".

 

Alan Thompson : “Ce mois de sécurité se transforma en plusieurs années. Ce ne fut pas longtemps après avoir mis les pieds à Fécamp pour Radio Normandie qu'il fut appelé pour monter la station du Poste-Parisien à Paris” :

 

Roy Plomley : "J'étais seul et j'avais un bureau sur les Champs Elysées. J'avais une indemnité pour frais professionnels, et à part les dimanches, où je devrais travailler très dur, je n'avais qu'une émission d'une demi-heure par jour au Poste Parisien, le soir de 22 h 30 à 23 heures, ou bien je passais des disques au studio, ou je transmettais une émission de cabaret à partir d'une boîte de nuit parisienne, un travail très agréable que j'aimerais encore avoir maintenant. Mais évidemment, j'étais ambitieux et au bout de six mois, ils suggérèrent que je revienne à Londres en tant que producteur de programmes destinés à Radio Normandie, au Poste Parisien, et à l'occasion, Radio Luxembourg également, bien que ces stations soient indépendantes”.

 

Alan Thompson :Les temps peuvent changer, mais les problèmes, surtout les problèmes de plus de dix ans ne changent pas. Jusqu'à 1937, Radio Normandie utilisait une fréquence de 269 mètres sur la gamme des ondes moyennes. Malheureusement, cette longueur d'ondes était affectée d'interférences, aussi décida-t-on de changer pour un canal plus clair. Radio Normandie a changé pour 274 mètres. Alors, la réception est devenue plus forte et plus claire. On utilisait maintenant un émetteur d'une puissance d'environ 150 kilowatts. Vers 1937, la radio commerciale avait atteint son sommet. La popularité des émetteurs de l’IBC était telle qu’un magazine d'information “Radio Pictorial”, le magazine de radio pour toute la famille, était publié de 1933 à 1939, donnant le détail des programmes de chaque station I.B.C., pour l'Europe, et cela coûtait 2 pence (plus tard 3 pence l'inflation n'est pas quelque chose de nouveau).Des précisions concernant les disques diffusés étaient fournies aux lecteurs. Un sondage effectué par les agences de publicité révélait en 1938 que le niveau d’écoute des stations étrangères était à son plus haut niveau le dimanche. Pour certaines stations, le nombre d’auditeurs s’évaluait en millions. Le sondage montrait aussi que l’écoute cumulée des stations étrangères équivalait celle des émissions de la BBC.”

 

A la fin des années trente, l’IBCconcentre tous ses efforts sur Radio Normandie. La compagnie possède trois camions de reportage peints en noir avec l’inscription “Radio Normandy 274 metres” de chaque côté. Les véhicules contribuent largement au succès des émissions extérieures. Ils sillonnent la côte pour enregistrer les concerts proposés pendant la belle saison. Le “road show” itinérant enregistre des artistes locaux dans des endroits aussi éloignés qu’Edimbourg ou Penzance. Reginald Foort est suivi dans sa tournée par l’orgue portable “mammouth”. L’électricité est souvent fournie par les fermes et les câbles sont tendus à travers les champs du Gloucestershire pour pouvoir capter le cri de la très rare fauvette des marais. L’IBC se flatte à la fois de son équipement et de son expérience.

Radio Normandie est sans doute la station des stars. Beaucoup de personnalités dont le nom ne signifie plus rien aujourd’hui mais dans les années trente est équivalent à Bill Haley, les Rollin Stones, Tira Turner ou...Marie Carey de “nos” décennies. L’International Broadcasting Club créé en 1932 regroupe en 1939 près de 320000 membres. L’adhésion est gratuite.

 

Alan Thompson :L'une des émissions pour les enfants est "Oncle Bengee", présentée par Bennett Mac Nabb. Sa populaire émission de variétés captive les jeunes auditeurs chaque semaine avec les histoires de la méchante fille favorite de tous : Flossie. Elle raconte ses histoires de voyages à Hollywood, qui sont, évidemment, complètement fabriquées”.

- "Et maintenant, Mesdames, Messieurs, le Théâtre de l'Odéon a le plaisir de vous présenter Bennett Mac Nabb, plus communément connu des auditeurs de Radio Normandie sous le nom d'Oncle Bengee. Eh bien, Oncle Bengee, après avoir quitté la station, il y a quelques mois, a fait un voyage en avion à Hollywood, et maintenant, il est de retour pour vous donner ses impressions personnelles au sujet de cette ville fascinante.

- Bonjour à tous. C'est formidable d'être de retour et de vous parler de nouveau. Et je ne veux pas vous raconter toutes les nouvelles concernant Hollywood, parce que je suis sûr que vous les connaissez toutes par cœur. Mais il y a un sujet qui me tient à cœur. Vous entendrez parler de Greta Garbo et du nombre de jeunes filles dont Clark Gable est tombé amoureux. Mais personne, n'a jamais mentionné l'évènement le plus important de la fraternité d'Hollywood, je dis la grande cité où Flossie et moi sommes allés pour vous. Vous savez, je pense plutôt que Flossie aurait pu faire une bonne star de cinéma. Elle est très passionnée par... quel est le nom de cet enfant ? Shirley Temple !

- Oh ! oui, moi aussi, je suis très passionné par Shirley Temple. 

- En fait, je l'ai vue travailler sur un nouveau film l'autre jour...”

 

“Bennett Mac Nebb fut aussi un speaker de la station en son temps. Pendant les émissions, nous faisions les annonces commerciales de la station et nous apprêtions à jouer la première face d’un enregistrement. Les disques de 16 pouces (38 cm) duraient 35 minutes par face. Ainsi un jour nous pensâmes que nous avions effectué cette tâche stupide depuis trop longtemps, et que cette fois-ci, nous allions poser l'aiguille sur le disque, et descendre jusqu'au petit café du coin, prendre un verre de bière ou un café. Nous vérifiâmes nos montres de façon à revenir à temps pour retourner le disque, et quand nous montâmes l'escalier, nous entendîmes un petit bruit répété continuant tout seul. Cela disait : "Arrêtez, ne tirez pas !... Arrêtez, ne tirez pas... Arrêtez, ne tirez pas !... Nous nous précipitâmes, le disque était toujours sur la première face, et le sillon était rayé, aussi, nous arrêtâmes vite le son, nous retournâmes le disque et nous mîmes la deuxième face, parce que nous n'avions plus beaucoup de temps, comme si de rien n’était. Personne ne se mêle de quelque chose qui ne va pas !

Beaucoup de programmes de variétés étaient enregistrés en direct lors de déplacements dans le pays. Pour cela, l'I.B.C. réalisa des émissions extérieures ou O.B (Outside Broadcast) et disposait de trois orchestres, pour les besoins de l'enregistrement. Roy Plumley fut affecté également à cette tâche” :

 

Roy Plomley : "Je suis devenu l'homme de l'O.B. Nous avions un tas d'émissions extérieures. Ce fut un développement qui eut lieu vers 1937, où nous eûmes notre premier camion de l'I.B.C. pour l'extérieur, très lourd, avec beaucoup d'équipement à l'intérieur, l’équivalent à ce qui peut être fait actuellement avec un petit magnétophone, et puis ensuite nous en eûmes un autre plus perfectionné. Ces camions étaient montés sur vérins, dehors dans l'allée, et nous enregistrions. Dans les cinémas, nous enregistrions des concerts d'orgue de cinéma avec des musiciens et des solistes et nous devions enregistrer des programmes de variétés spécialement mis en scène dans les cinémas. Nous avions notre propre émission itinérante sur les ondes, une revue touristique "Radio Normandy calling". Je supervisais tout cela et je devais juger les concours de talent des amateurs le jeudi soir, et enregistrer alors un programme d'une demi-heure. Le vendredi, il y avait un programme particulier avec Allan Bradford. Nous allions partout dans le pays, sans oublier certains jours les Midlands, ou naturellement ils ne pouvaient pas recevoir Radio Normandie car Radio Normandie couvrait le sud prospère où il y avait des affiches publicitaires. D'ailleurs, la réception était parfaite dans le sud, elle n'était pas mauvaise dans le nord, mais était désastreuse dans les Midlands ; nous jouions, nous regardions les affiches, et nous disions alors que Radio Normandie, c'était cela. Certains des spectacles de variétés que nous enregistrions n'étaient pas spécialement mis en scène pour la radio, et il en résultait que beaucoup de numéros étaient visuels. Aussi, comment surmontait-on ce problème ? La radio est un média aveugle et c'est un travail d'homme de radio de faire vivre les choses, d'y ajouter une nouvelle dimension, une autre dimension, de la rendre visuelle. Aussi, cela entrait pour une grande part, (il n'y en a peut-être pas assez aujourd'hui), mais nous devions décrire les vêtements que portaient les acteurs, et bien sûr, si l'on décrivait un spectacle de théâtre, il fallait décrire les couleurs des accessoires et les costumes et donner une image aussi bonne que possible de ce que nous décrivions”.

 

Alan Thompson : “Cela donnait l'impression que les gens s'amusaient bien, mais était-ce à ce point ?”

 

Roy Plomley : - “Oh, il y avait beaucoup d’ambiance, parce que c’était une petite équipe. Comme vous faisiez tout vous-même, vous étiez beaucoup plus créatif. Il n'y avait personne pour vous dire ce que vous deviez faire. A Radio Normandie, par exemple, on mettait l'émetteur en marche, on appuyait sur tous les boutons, intervenait au micro et tout ce qu'il fallait faire. Nous vivions séparés des Français. En dehors des affaires, ils étaient de l'autre côté de la rue, et il n'y avait que nous quatre à réaliser l'ensemble. Soixante-quatorze heures de ce qu'on appelle une semaine avec un ou deux uniquement d'entre nous au travail à la fois, on était seuls, à faire notre propre petit travail, nos propres réparations, nous jouions nos propres disques que l’on sortait des étagères pour les remettre ensuite, nous bavardions si cela nous plaisait. Quant à la technique, on en parlait, c'était une affaire très compliquée. Nous avions cette table de contrôle, avec six plateaux au-dessus, et certaines choses à ce sujet étaient un peu compliquées. Par exemple, quand vous réalisiez une production sponsorisée qui rapportait énormément d'argent en rapport avec le programme, les patrons voulaient que nous fassions cela bien. Vous pouviez, par exemple, quand l'un des plateaux se terminait, mettre le second plateau chargé d'un programme entièrement enregistré à Londres ; quand celui-là finissait à son tour, vous deviez changer l'aiguille, pas un stylet de saphir comme actuellement : une aiguille. Nous devions sans cesse changer d’aiguille, ensuite vous deviez faire l'identification de la station : "Ici, Radio Normandie, émettant sur la longueur d'onde de... selon ce qu'elle était alors. Ayant donné l'indicatif de la station composé des quatre notes frappées sur le petit xylophone placé sur la table de contrôle, vous donniez alors le signal horaire, un peu approximatif : vous frappiez un gong en donnant l'heure d'une pendule accrochée au mur, qui n'était pas une pendule très précise. Vous vous précipitiez alors sur le prochain disque, un morceau orchestré annonçant le programme suivant. Nous devions alors “shunter” cela lentement et passer progressivement au dialogue enregistré à Londres, et en fonction de ce dialogue qui annonçait la chanson suivante, nous devions nous préparer à lancer ce disque. Pendant que celui-ci tournait, nous enlevions le précédent à présent terminé et posions le troisième en attendant la suite. Quelquefois, nous utilisions seulement des extraits qu'il fallait mettre et retirer selon des marques faites à la craie. Aussi, il ne fallait pas perdre la tête. Mais si le “speaker-technicien” de la station n'était pas en forme, alors, il y avait des erreurs”.

 

Alan Thompson : “Le présentateur était très populaire, comme l'explique Bob Denvers-Walker” :

 

Bob Denvers-Walker : “A l’enregistrement, il fallait accueillir tout l'orchestre et le soliste dans le studio pour préparer un programme sérieux, placer toutes les annonces des rubriques et naturellement toute la partie commerciale au milieu des différents numéros du programme. Tout cela devait aller sur le disque. Aussi, tout devait être parfait. Vous ne pouviez pas vous arrêter de parler, puis repartir. Vous deviez littéralement posséder “la chose” tout entière depuis le début, et ne pas recommencer. Vous deviez vous préparer, surtout juste à la fin, à dire: "Ce programme vous a été offert par D.D.D. (ceci est une marque commerciale qui existe encore. C'est une lotion faciale contre les boutons et l'acné). Si vous faisiez "euh" et manquiez l’annonce, il fallait tout reprendre depuis le début et recommencer avec par exemple "Dans les jardins d'un monastère" et tout le reste du programme”.

 

Alan Thompson :I.B.C. produisait non seulement des programmes de nature entièrement musicale, mais aussi produisait des magazines à Londres pour leurs émissions sur Radio Normandie. Radio Luxembourg émettait aussi des programmes I.B.C., mais à la fin des années 30, ils établirent leur propre organisation à Londres. Les programmes du dimanche à Radio Luxembourg proposaient les concerts du soir en direct de Philips, présentés par Christopher Owens, qui antérieurement avait été un des premiers disc-jockeys du soir de la B.B.C. Puis il y eut le concert Window, et n'oublions pas l'émission Bilebeans, qui était en fait un programme de musique de danse récente. Le slogan était quelque chose comme : "Elle peut maigrir et rester en forme : maintenant, elle dort chaque nuit avec des doses de Bilebeans", et c’est absolument vrai !

 

“Une auditrice m'écrit ceci : Cher Allan, j'ai le disque que vous avez chanté "Love will fade away". Je le joue souvent, mais, bien que vous le chantiez si gentiment, cela me rend si triste ! Vous voyez les paroles me font regarder dans le miroir, et j'aimerais être tellement plus attirante ! Mes cheveux ont l'air ternes et...  Attendez une minute, ceci est l'une de vos lettres auxquelles Tom Gregory va répondre aussi” :

 

- “Ok, je connais la bonne réponse. En fait, je l'ai déjà donnée dans ce programme. Permettez-moi d'aviser cette auditrice et toutes les autres d'écrire pour recevoir trois échantillons Snowfar : l'ensemble des ondulations colorées Snowfar. Il y a un paquet prêt à être posté pour vous. Ecrivez et dites-nous quelle nuance vous désirez : naturelle, blonde, auburn ou brune. Cela rendra les cheveux ternes jolis de nouveau. Cela rendra la mise en place de vos boucles et ondulations plus facile, d'aspect naturel et de plus longue durée. Laissez-moi vous rappeler l'adresse : Snowfar, Hampshire Limited 22, Derby. Joignez un timbre pour l'envoi et vous recevrez l'ensemble Snowfar ondulations teintées, qui vous rendra l'éclat naturel de vos cheveux.”.

 

Toute l’année 1936 est consacrée à I’aménagement des nouveaux studios de Radio Normandie, dans le ravissant château de Caudebec dans une boucle au bord de la Seine, l’actuelle mairie de Caudebec-en-Caux, tandis qu’à quelques kilomètres, sur le plateau de Louvetot (30 km au sud de Fécamp) s’élève le manoir normand qui abritera les machines et le personnel du nouvel émetteur plus puissant. Comme ce transfert a été facilité aux P.T.T. par un jeune attaché de cabinet de 25 ans, Max Brusset, qui sait négocier son influence réelle ou supposée, Fernand Le Grand va l’engager lorsque l’avènement du Front populaire met le jeune homme au chômage. Brusset devient délégué général du poste à Paris. C’est lui qui s’entremettra avec Paris-Soir pour que ce journal assure les émissions d’informations de Radio Normandie. Ambitieux et retors, Brusset va, à l’insu de Fernand Le Grand, s’aboucher avec M. G. Shanks, administrateur de l’I.B.C., pour tenter d’installer un autre périphérique anglais. L’entente ainsi constituée dispose, avec divers bailleurs de fonds, d’une somme de 10 millions pour mettre sur pied l’opération. Max Brusset crée en 1937 la Société informations et transmissions (S.I.T.). En tant qu’administrateur-délégué de cette société, il va acheter une part importante des actions de Radio-Méditerranée et s’entendre avec son directeur-général Pierre de Présalé, pour transférer la station dans le Nord.

Quand Fernand Le Grand de Radio Normandie apprend les manœuvres de son délégué parisien, il crie à la trahison et le limoge aussitôt. Brusset, se réservant de lui faire payer cette rupture, active les choses. Il a trouvé un site favorable pour installer le grand poste commercial dont il rêve avec ses amis anglais : le château d’Epone-Mézières en Seine-et-Oise. En sous-main, Brusset se procure encore 3 600 actions de Radio-Méditerranée, en décembre 1938, grâce à une avance que lui fait l’I.B.C. de quelque 3 millions de francs. Il contrôle ainsi la majorité du capital de cette société. Les projets de Brusset semblent donc en très bonne voie.

 

Mais les événements politiques se précipitent en Europe, et vont donner à Brusset l’occasion de faire coup-double: monter le nouvel émetteur qu’il souhaite et faire payer à Fernand Le Grand son éviction de Radio Normandie. Cinq jours après la déclaration de guerre, le 8 septembre 1939, Radio Normandie, seul parmi les 12 postes privés français, est réquisitionné pour les besoins de la défense nationale. La S.I.T., pour compte de la Société du Château d’Epône, rachète I’émetteur de Fécamp inutilisé depuis la mise en route de celui de Louvetot, quelques mois plus tôt. Fernand Le Grand rend, bien sûr, responsable  Brusset de la réquisition de son poste. Il le dit avec véhémence, au cours d’une réunion de la fédération des postes privés, le 12 septembre 1939, où Brusset jure ses grands dieux qu’il n’a jamais fait aucune démarche directe ou indirecte pour demander ou faire hâter cette réquisition, qu’il n’a connue personnellement que lorsqu’elle a été effective et officielle, et à laquelle il était et reste opposé catégoriquement. L’ennui, c’est qu’une lettre du 19 décembre 1939, adressée par M. Shanks de l’International Broadcasting Co à Brusset, semble prouver que toute l’opération était bien préméditée si l’on en juge par cet extrait : ... La convention qui vient d’être échangée entre la société I.B.C. que je représente, et vous-même, pour la mise en marche du poste de Fécamp, dont la société S.I.T. est propriétaire, a besoin d’être précisée sous forme d’une lettre-accord en ce qui concerne vos intérêts. ( ... ) Il va de soi que si, après les hostilités, les émissions du poste de Fécamp étaient maintenues et si elles avaient comme les autres postes privés, un caractère commercial, un nouvel arrangement spécial interviendrait entre nous, les accords présents constituant un minimum de départ”.

 

Alan Thompson : “Vers la fin des années 30, Radio Luxembourg produit lui-même toutes ses émissions et a rompu avec l'I.B.C. Luxembourg commence par l'émission au succès formidable "The Overteenies" (les plus de 10 ans). Les Overteenies sont certainement le groupe radiophonique le plus populaire, probablement parce que c'est destiné aux enfants, mais nous en reparlerons plus tard. Réaliser un programme commercial pose aussi quelques problèmes, principalement avec les directs. Les plus “aventureux” sont préenregistrés sur ces disques assez incommodes. Habituellement, l'agence ou la compagnie s'occupant des comptes de la publicité tire de ses rangs les acteurs et actrices pour jouer les rôles nécessaires, Natt Harry qui avait été actrice auparavant nous explique :

 

Natt Harry : "J'étais Maggy, c'est vrai, j'étais Maggy à la cantine, qui faisait le thé et tout le reste pour les ouvriers, et pour cela, je devrais être une vraie cockney. L'autre actrice était Mary O'Farrell, elle était l'infirmière Johnson, et j'étais sa sœur. Le sujet de la majeure partie du programme était consacré à mes deux enfants, qui étaient simplement constipés. Nous suggérions tous différentes choses.

Comment s'appelait cette émission ? Je ne m'en souviens plus maintenant, mais avec ce sujet, nous ne pouvions faire grand chose sans éclater de fou-rire, ainsi nous enregistrions tout. Qu’est-ce que nous avions ri".

 

Alan Thompson : “Le rire était la clef, et pas seulement le rire, aussi la musique populaire, de Cherry Chatton. La musique populaire des radios commerciales ne pouvait pas détourner l'attention du public en général de tout ce qui se passait alors en Europe. Certaines personnes prêchaient un message différent sous la forme de révolution, violence, fanatisme, haine et guerre.

Hitler avait institué un ministère de la propagande. Goebels n'attirait guère l'affection des Français ou des Britanniques. Radio Normandie, qui prit plus tard le nom de Radio-International, donna la  contre-attaque à cette propagande politique.

A la déclaration de la guerre le 3 septembre 1939, la BBC ferma toutes ses chaînes nationales et régionales et leur substitua un simple “BBC Home Service” constitué d’informations, disques et représentations théâtrales. Tout le personnel et le matériel avait émigré vers Colston Hall à Bristol. Quelques semaines plus tard un “Forces Programme” apparut qui devint “Light” et de nos jours “Radio Two”.

 

Le jeudi 7 septembre 1939, C’est le dernier jour d’émission de Radio Normandie depuis Louvetot.

Mais fin septembre les émissions de l’IBC reprennent en anglais depuis l’ancien émetteur de Fécamp appartenant maintenant à la S.I.T.

La station s’annonce comme Radio International Fécamp. Des disques de musique légère et de danse sont passés jusqu’à 19h 15.Tous les quarts d’heure, le carillon de Radio Normandie retentit, suivi d’une annonce en anglais :

“Ici la station de radio internationale, bientôt vous entendrez sur nos ondes un nouveau service”.

Le speaker n’est ni Roy Plomley ni Bob Danvers-Walker, mais peut-être David Davis. Le morceau orchestral “Keep the home fires burning” est utilisé comme indicatif de fin. La compagnie de production de programmes, Universal Programmes Corporation située en face de l’entrée de la BBC, 37 Portland Place à Londres est dans l’impossibilité de fournir des programmes enregistrés et de les livrer aux studios de Caudebec via Thomas-Cook. Aussi l’IBC achète une grande quantité de programmes en provenance directe des Etats-Unis. Bob Denvers-Walker est nommé chef speaker et lecteur d’infos.  Chaque soir à19 h 00, après le bulletin d’infos de l’Agence Havas, la station ferme avec le nouvel indicatif orchestré au lieu de “La Marseillaise” habituellement utilisée par les Français. Pendant ce temps quelques affichettes apparaissent dans les épiceries de Brighton et les villes de la côte sud pour promouvoir les programmes de la station. Sur les ondes, il n’y a pas de publicité pendant ce début de guerre, sauf la citation du produit en début et fin de programme, probablement rajouté en direct au micro.

 

Alan Thompson : “C'était le commencement de la fin pour la radio commerciale en Europe...”

 

C’est finalement Hitler qui réussira à fermer les stations privées. Comme le moment est mal choisi pour lancer une station publicitaire, l’émetteur de Fécamp de Brusset va servir, sous I’égide du commissariat général à l’information, du ministère des affaires étrangères à la propagande française en langue étrangère. Le deuxième acte de la pièce imaginée par Brusset consiste à faire transférer, pour raisons techniques de sécurité militaire, l’émetteur de 10 kW de Fécamp à Epône. La puissance en sera considérablement augmentée par I’adjonction de matériel Thomson-Houston spécialement commandé et le titre de la station: Radio-International-Fécamp sera changé en Radio-International-Epône. Là, les dirigeants de la fédération des postes privés commencent à se poser sérieusement des questions. Pour les calmer, Brusset écrit une longue lettre, le 9 mars 1940, à Jacques Trémoulet, vice-président de la fédération où il interdit à quiconque de mettre en doute sa parole et où il précise : l’installation du poste à Epône, dans la région parisienne, s’effectuera en accord et d’ordre du gouvernement dans un but d’intérêt général et de propagande française qu’il n’appartient à personne de discuter. Ce poste n’émettra à aucun moment en langue française et ne fera aucune publicité commerciale française. Il est destiné uniquement à des émissions en langues étrangères. Très astucieusement,  Brusset ne parle que de publicité française... il ne ment pas une seconde puisque si l’émetteur peut devenir commercial après les hostilités, il sera destiné à la publicité anglaise.

L’arrivée des Allemands, en juin 1940, sonne le glas de ces belles espérances. Ceux-ci termineront les installations d’Epône pour en faire Radio-Calais (?) émettant vers I’Angleterre. Quant à l’émetteur de Louvetot de Radio Normandie, il passe dans le giron de la Propaganda Abteilung et fera partie (après augmentation de sa puissance à 60 kilowatts) de la chaîne Radio-Paris.

 

Bob Denvers-Walker : "C'était pratiquement la mort, maintenant, une sorte de mort pour Radio Normandie, ou Radio-International, parce que j'avais eu pour mission d'asséner quelques belles et solides réponses au Dr Goebels, le nutsy ministre de la propagande, et à Lord Hawhaw, qui travaillait là-bas. Ils lançaient toute cette propagande, et je devais faire la même chose en contre-attaque contre eux. Et cela eut beaucoup de succès, qui pourrait être mesuré par le fait que l'aviation allemande vint, car ils avaient l'habitude de faire le point en s’alignant pour pouvoir obtenir un droit de navigation, cela semble incroyable, et ils utilisaient des repères croisés entre Radio Normandie, Radio-Calais et la B.B.C. sur une de ses longueurs d'ondes, et faisaient une sorte de triangulation pour savoir où ils étaient, ceci est absolument vrai, pour planter des mines magnétiques dans le port du Havre, et ainsi, les Français comprirent rapidement comment ces stations particulières aidaient les Allemands dans leurs efforts de guerre, et ils décidèrent de les fermer. Ce fut leur fin. Juste après la guerre et la libération de Paris, j'ai entendu dire que la Gestapo était venue à Fécamp. J'étais dans le nord de la France à cette époque, sur la ligne Maginot comme correspondant de guerre, et ils avaient tout mon dossier, toute mon histoire, mon histoire familiale, parce que cela avait été fourni quand j'avais commencé à travailler à ma première place. Il y avait une “Cinquième colonne” opérant à Fécamp à cette époque, aussi la totalité de mon dossier et mon histoire passée étaient connues des Allemands. Naturellement, ils avaient des enregistrements de ma voix portant des coups à leur Herr Doktor Goebels et demandaient : "Où est cet homme ?" car ils avaient capturé un de mes principaux ingénieurs, lequel avait révélé à ces gens de la 5e colonne : "Cet homme a une épouse et des enfants restés à Fécamp...”

Je suis bien content que nous ayons gagné la guerre".

 

Alan Thompson : “Nous aussi ! Mais, c'était 1939, et les nuages de guerre rassemblés en Europe éclatèrent dans le plus violent orage qu'on n'eût jamais vu. Les derniers souffles de Radio Normandie et de l’IBC étaient perçus probablement au printemps 1940.A ce moment, une radio parisienne retransmit un programme en anglais d’un quart d’heure un dimanche après-midi. Après l’indicatif “La Madelon”, le speaker anonyme, dit “Ici Poste Parisien. Conjointement avec Radio International, nous vous présentons “Le quart d’heure du Tommy”. Ensuite quatre ou cinq disques furent enchaînés, sans publicité. Le Poste Parisien ainsi que toutes les autres stations commerciales françaises se sabordaient à la suite de la défaite militaire. Seule Radio Paris sous contrôle allemand les remplaça”.

 

Alan Thompson : “L'horreur de la guerre fut apportée au peuple britannique chez lui pour la seconde fois en moins de vingt-cinq ans. De l'autre côté de la Manche, les Nazis détruisirent ou confisquèrent l'équipement radio, et les stations de radiodiffusion de l'I.B.C. ne furent plus jamais entendues. Les Allemands trouvèrent une utilisation pour les émetteurs de Radio Luxembourg, mais ce n'était pas les douces voix des enfants avec la demi-heure des "Overteenies" : des annonces et un message plus sombre, avec un commentateur aussi sombre :

"L'Allemagne vous appelle... l'Allemagne vous appelle... l'Allemagne vous appelle... Ici, les stations de Brême, et la station DXB sur la bande des 31 mètres. Vous allez entendre nos informations en anglais. Le New-York Times relate que le croiseur britannique X... a été si sévèrement endommagé par l'artillerie de l'Amiral Graf Spee, qu'il est impossible de remettre le navire en état de naviguer. Comme quelques uns des canons de l'X... sont encore en état de fonctionner, l'amirauté locale a l'intention évidente de faire usage de l’épave comme batterie côtière supplémentaire à Port Stanley”.

 

“William Joyce, un Américain d'origine irlandaise, que le Daily Express surnommait Lord Hawhaw, dit que le peuple allemand avait en soi l'étincelle de la vie. Etincelle ou pas, sa propagande enflammait certainement les auditeurs britanniques. Mais la plupart des gens trouvaient tout cela hautement amusant, quand Hawhaw parle du Ministère de la police et de la désinformation. Il n'y a aucun doute que Joyce était la fierté de Goebels, mais après la guerre, il fut pendu, à son grand regret, pour trahison.

Quand l'Allemagne fut dans les affres de la défaite totale, Joyce fit son fameux discours d'adieux, peu de temps juste après 5 heures, un après-midi de printemps : "Et je vous dis dans ces derniers mots, vous risquez de ne plus entendre parler de moi. Je dis Es lebe Deutschland !"

Et c'est la dernière chose que nous ayons entendu de William Joyce.

Les années de guerre avaient vu s'effectuer de vastes changements dans la radiodiffusion chez nous et à l'étranger. La B.B.C. avait établi son service mondial, qui continue avec force aujourd'hui jusqu'aux quatre coins du monde. Mais ce fut le programme "Home and Forces" qui lança ces fameux programmes de variétés dont l'écoute était obligatoire dans les abris, chaque nuit.”

 

La paix revenue en Europe en 1945, aucune station de l’IBC ne réapparaît après la guerre. En France, le Général de Gaulle s’oppose au retour des stations privées, peut-être pour remercier et rassurer la BBC ! L’Etat se déclare propriétaire des ondes et seul autorisé à permettre les communications audio-visuelles. Le glas sonne pour la radio privée anéantissant bien des espoirs. Suite au décret Teitgen, les émetteurs sont nationalisés sans indemnisation aucune. On imagine sans peine le désespoir et l’écœurement que durent ressentir des gens comme Fernand Le Grand.

 

A la libération, dans le petit monde de la radio privée en France, I’épuration fait aussi des ravages qui doivent souvent moins à la morale politique qu’aux rivalités d’affaires. Ainsi, sur dénonciation du perfide Brusset, son associé de Radio-Méditerranée, Pierre Le Roy de Présalé, et son ancien patron et ami de Radio Normandie, Fernand Le Grand, sont inculpés d’intelligence avec l’ennemi et incarcérés en février 1945. Le 9 mars 1946, le commissaire adjoint du gouvernement conclut à la mainlevée des mandats de dépôts décernés contre ces inculpés et au classement de I’affaire qui, pour lui, se résume à une querelle d’intérêts plus qu’un problème de collaboration. Mais Brusset, opportuniste, insiste et un complément d’information est ordonné. Un autre commissaire du gouvernement, en est chargé. Son réquisitoire du 29 novembre 1948 confirme les conclusions de son prédécesseur et se termine par cette phrase désabusée qui en dit long :

“... Il est inutile de poursuivre l’examen des pièces pouvant concerner Brusset... puisqu’il n’est pas inculpé”.

 

Alan Thompson : “En 1946, Radio Luxembourg, ayant retrouvé son indépendance, reprend ses émissions en français et plus tard en allemand et en anglais, mais les revenus publicitaires sont très longs à revenir. Radio Luxembourg avait été la source de la prospérité de la radio commerciale d'avant-guerre, mais comment pourrait-elle regagner ses auditeurs ? D'une certaine manière en remettant sur pied la ligue des “overteenies”:

"Nous sommes les plus de dix ans, petites filles et petits garçons. Faites vos demandes, nous ne refuserons pas. Nous sommes ici seulement pour vous amuser. Aimeriez-vous une chanson ou une histoire ? Voulez-vous partager nos joies ? Et de jeux et de sports nous sommes plus que passionnés. On ne pourrait pas voir des enfants plus  passionnés parce que nous sommes les plus de dix ans, nous sommes des filles et des garçons heureux".

 

Alan Thompson : “Radio Luxembourg offre encore à cette époque une alternative aux anciennes émissions. Mais soyons justes avec la B.B.C. Elle construit le "Light programme” (programme de musique légère), et le "Home Service" (Service intérieur), plus original. Plus tard vient le "Third programme" (troisième programme). De son côté, Radio Luxembourg abrite avec des concerts de musique, des mélodrames, des séries d'aventures. Pendant les années 30, Radio Normandie avait produit ses propres concours intervilles en enregistrant divers spectacles de variétés çà et là dans le pays. Les jeux qui avaient presque disparu dans ce pays se mettent à devenir florissants. Les deux plus célèbres sur les ondes sont : "Faites votre choix", avec Mike O'M. et "Double your money" (Quitte ou double) avec U.E. Green. Green vient du Canada, bien qu'il soit né en Grande-Bretagne. Il double votre argent jusqu'à un maximum de 32 livres. Naturellement, 32 livres, somme assez importante selon leur façon de voir vaut beaucoup plus à Paris ou en Angleterre. Mais les participants les plus aventureux peuvent gagner jusqu'à 1 000 livres. Le charitable Monsieur Green aide les candidats dans les réponses à 3 livres. Après cela, vous êtes seul. Toutefois, si vous gagnez 8 livres, cela vous paie au moins le taxi pour rentrer chez vous.

Radio Luxembourg se présente comme la plate-forme parfaite pour un jeune artiste dramatique, ayant eu la chance de devenir le premier speaker anglais y résidant, voit que c'est une chance de favoriser sa carrière musicale. Son nom est Terry Johnson” :

 

Terry Johnson : "Eh bien, je trouvais cela très excitant, parce que nous faisions quelque chose qui était vraiment alors complètement nouveau, qui semblait nouveau à l'époque, parce que les genres de programmes que je présentais à Radio Luxembourg étaient très libres. On pouvait, par exemple, jouer des disques qui avaient été interdits par la B.B.C. qui était très restrictive et avait l'esprit très étroit.”

 

Mais ce n'était pas les disques interdits qui attiraient les auditeurs de Luxembourg, comme se souvient Terry Johnson :

"C'était seulement le fait que ce soit différent, et les gens apprenaient à écouter la station parce que nous étions différents”.

 

Fernand Le Grand décède en 1953. Son émetteur de Louvetot est utilisé comme relais du « Programme Parisien ». Désormais, il faut écouter Paris pour les auditeurs et les artistes régionaux doivent « monter » à Paris. Au début des années 60, l’ORTF (Office de Radiodiffusion Télévision Française) tente à Rouen la diffusion pour la Normandie d’un journal parlé régional, mais les « décrochages » cesseront un an plus tard. En 1974, TDF la société chargée de gérer les émetteurs, décide d’interrompre le relais de France Inter via Louvetot. Sans émettre, les lampes de l’émetteur restent allumées. En effet, si l’on coupe la tension, l’humidité provoquerait des dégâts à la remise en route et l’émetteur deviendrait inutilisable. Pourquoi le conserver alors ? Un responsable de TDF Haute-Normandie confie officieusement qu’un vague projet de radio régionale pourrait utiliser la longueur d’onde (214 mètres). Bonne idée, mais qui restera malheureusement dans un tiroir, puisqu’en 1976, la station est livrée aux ferrailleurs. Le pylône est abattu, les lampes d'émission cassées. Le pasteur qui a racheté les locaux pour y accueillir des enfants handicapés témoigne : « J’étais présent quand ils ont démonté. Je savais en achetant cette bâtisse qu’elle était son histoire aussi je tenais à conserver quelques souvenirs comme des lampes provenant des armoires techniques. Des lampes gigantesques : 60 cm de haut. Nous avions caché deux de ces lampes. Le lendemain, nous avions vu les ouvriers les briser pour en prendre le cuivre. »

 

Au lendemain de la guerre, l'I.B.C., qui a tant produit pour Radio Normandie, le Poste Parisien et les autres stations à travers l'Europe ne plie pas boutique. Elle continue d’exploiter un studio d’enregistrement sous le nom de IBC Sound Recording Studios Ltd et produit des messages publicitaires. Mais ses fonctions dans la radio ne s'arrêtent pas toutes à la fois. Vingt-huit ans plus tard, en 1973, elle achète 13 % des parts investies dans les premières stations commerciales britanniques autorisées à l'échelon national : la London Broadcasting Company.

 

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