1) Radio International Fécamp, une station éphémère

2) Les premières émissions anglaises depuis le continent


Radio International Fecamp, 
une station éphémère
 
Radio International, un mot sur ce poste éphémère, par Keith Wallis, biographe du Capitaine Leonard Plugge article traduit d'un magazine britannique "Best of British" de février 2000
 

... Dans le dernier magazine "Best of British", j'ai relevé une mention concernant la station "Radio International" et j'ai pensé qu'il pouvait être intéressant d'ajouter quelques mots sur cette station à la vie ultra-courte.

Radio Normandie, anciennement basée à Fécamp, possédait un tout nouvel émetteur à Louvetot. Elle a vu celui-ci réquisitionné en 1939 par le Gouvernement français (de Vichy)
(1), avec l'immense contrariété que l'on imagine pour ses propriétaires, la famille Le Grand (rendue célèbre par la Bénédictine). 

Cependant, l'émetteur (inutilisé) de Fécamp était conservé entre leurs mains. L'IBC (l'International Broadcasting Company) qui s'était occupée de toutes les émissions en langue anglaise de Radio Normandie jusqu'à lors, a reconsidéré sa position. Son directeur, le Capitaine Leonard Plugge a imaginé se servir de ces installations pour émettre des programmes de divertissement vers les Forces militaires britanniques basées en Europe. 

La grille de programmes qu'il a proposée au "Comité de loisirs" de l'armée britannique consistaient en 91 % de musique, 8 % d'information parlée et seulement 1 % réservé aux "sponsors". Les sponsors étaient les annonceurs déjà connus, tels Rowntree, les cires Johnson, etc. Le terme de "sponsor" ne devait toutefois pas être prononcé à l'antenne. 

Evidemment, ce n'était pas vraiment une époque appropriée pour continuer d'émettre des programmes réguliers. Les jingles utilisés en temps de paix du genre: "Oh Sunny. Jim, comme j'en ai envie..." ne pourraient pas être bien tolérés. Cependant les propositions sont acceptées et les plans sont mis sur pied rapidement. Il y a, bien sûr, des problèmes de sécurité de toute sorte à régler, mais ceux-ci sont bientôt résolus par George Shanks, le "bras droit" de Plugge. Le personnel existant sera utilisé, avec Bob Danvers Walker, Charles Maxwell et Phillip Slessor lui-même bientôt remplacé par Roy Plomley revenu exprès de Londres. Les émissions recommencent fin septembre 1939 à 7 heures le matin jusqu'à 20 heures. Le slogan de la radio est "la station de derrière les lignes "ennemies)". Ensuite des présentateurs autrichiens et tchèques prennent le relais, deux heures chacun, jusqu'à minuit. Un programme spécial conçu pour familiariser les troupes à la langue française est la "Demi-heure du Tommy", transmise chaque samedi. Mais, ceci n'a à peine commencé que les autorités militaires (françaises) exigent l'arrêt total des émissions de Fécamp le 3 janvier 1940. Les plans d'émissions futures s'effondrent. Déjà on décide de passer par le Poste Parisien pour continuer la diffusion de la "Demi-heure du Tommy" mais pas pour longtemps. L'idée de ressusciter Radio Internationale grâce à un nouvel émetteur situé près de Mantes (Epône) est mise à mal par l'avancée des Allemands. Donc Radio International a connu la vie la plus courte qui soit dans l'histoire de la radiodiffusion. 

Radio Normandie, contrairement à Radio Luxembourg, n'est jamais réapparue après la guerre. Cependant, le Capitaine Leonard Plugge et sa société IBC, ont continué leurs affaires avec succès après la guerre. 

En tant que biographe de Leonard Plugge, j'aimerai recueillir les souvenirs des personnes qui connaissaient "Lenny" (Leonard Plugge) personnellement ou qui ont travaillé pour l'IBC. 

Keith Wallis, 61 Alexandra Drive, Surbiton, Surrey

 

(1) Ce n'est pas tout à fait exact car c'est toujours le gouvernement d'Albert Lebrun au pouvoir qui avait été réélu en avril 1939. C'est plus tard en juillet 1940 qu'il s'efface devant Pétain et le gouvernement de Vichy (juillet 1940 à août 1944).
 


Les premières émissions en anglais depuis le continent

Note : rappelons qu'en Grande Bretagne, la publicité est interdite à la BBC et les radios commerciales n'ont été autorisées qu'en 1973. Dans les années 30, en l'absence des stations dites offshores (les fameuses "stations pirates" apparues entre 1964 à 1991), pour contourner la loi, il suffisait aux publicitaires britanniques de louer du temps d'antenne sur les stations commerciales du continent entendues au Royaume Uni (Radio Luxembourg, Radio Normandie, Radio Toulouse...), comme le rappelle maintenant Keith Wallis :

Beaucoup de stations européennes dans les années 30 avaient leurs programmes patronnés par l'International Broadcasting Company (IBC) de Londres. L'IBC était la création du Capitaine L. Plugge qui avait gagné ce grade dans la RAF. Son premier succès avec l'IBC a été Radio Fécamp qui a démarré ses programmes en anglais le 6 septembre 1931. Le premier présentateur était William Evelyn Kingwell, caissier d'une succursale de la National Provincial Bank au Havre. Il se rendit en motocyclette à Fécamp pour passer des disques le dimanche soir de 22 h 30 à 1 h du matin. Trois mois plus tard, c'est devenu Radio Normandy avec Maxy Stanniford et Stephen Williams, d'abord le samedi et dimanche puis finalement chaque jour de la semaine à partir d'avril 1933.

Radio Paris existait depuis 1931 et poursuivait ses programmes en anglais jusqu'au moment où les français en eurent assez d'eux à la fin de 1933. Le Poste Parisien pris la relève jusqu'en 1939. Le directeur des programmes anglais sur Radio Paris, Stephen Williams partit pour Luxembourg à la fin de 1933. L'IBC ne fournissait pas officiellement de programmes à Radio Luxembourg, car la station était engagée avec sa régie publicitaire "Radio Publicity" à Londres, mais ceci est une autre histoire. Une Radio Luxembourg tout à fait différente a vu le jour après la guerre jusqu'à sa fermeture définitive en décembre 1991.

Radio Toulouse démarra en octobre 1931 avec comme présentateur W. Brown-Constable. Tom Ronald le remplaça en 1933 jusqu'à la suspension des émissions en anglais au mois de juillet de cette même année. Ces émissions ont repris un peu plus tard en octobre 1937. On dit qu'Henry Hall était mêlé à ce démarrage.

En ce qui concerne les autres stations, il y en avait beaucoup. Radio Côte d'Azur à Juan-les-Pins démarra en avril 1934 devenant Radio Mediterranée en avril 1937. Ljubliana, Athlone, Union Radio Madrid, San Sebastian, Barcelona, Valencia et Rome, toutes ont mené des émissions en anglais de temps en temps. L'Espagne possédait en outre deux stations sur ondes courtes à Aranjuez et Madrid EAQ. Naturellement, toutes ont fermé à la déclaration de la guerre.


Radio Normandy a continué pendant un moment sous le nom de Radio International pour divertir les tro
upes
(2). Radio Normandy avait inauguré son nouveau centre émetteur à Louvetot en 1938 en grande cérémonie, avec de nouveaux studios à Caudebec-en-Caux. Malheureusement la guerre était déclarée l'année suivante et les Allemands prirent possession des installations. Le château de Louvetot survécut, ce qui n'est pas le cas de Radio Normandy, comme des antennes. Mais c'est une église qui a racheté les installations.

Plusieurs célébrités ont démarré leurs carrières dans ces stations, Roy Plomley, Bob Danvers-Walker (la voix de Pathé News pendant la guerre sur les films d'actualité !), Tom Ronald, Philipp Slessor et Jack Hargreaves pour n'en nommer que cinq. En 1939, l'International Broadcasting Company doit s'arrêter mais elle ouvre à nouveau après la guerre en tant que studios d'enregistrements très renommés. Le Capitain L. Plugge a perdu beaucoup de son investissement
(!)
dans l'aventure excepté le faible revenu qu'il percevait en tant que député au Parlement britannique. Il avait été élu député conservateur de Colchester en 1935.


L'histoire complète de ces stations de radio des années 30 est racontée dans la biographie que j'ai écrite sur le Capitaine L. Plugge intitulée "And the world listened" ("Et le monde a écouté") que je publierai... si un éditeur se dévoue ! Une annexe donnent toutes les dates et autres détails sur toutes les stations de l'IBC.
(3)


Keith Wallis, Surbiton, Surrey


(2) Contrairement à ce que Keith Wallis pense, Radio International, entendue sur l'émetteur de Fécamp, n'avait aucune relation avec la Société des Emissions Radio Normandie qui avait suspendu toute activité depuis le 7 septembre 1939, rappelons-le. L'émetteur de Fécamp était devenu la propriété de la SIT (Société Informations et Transmissions) de Max Brusset, homme opportuniste en cheville avec l'IBC. Celui-ci pour se venger de son ex-patron Fernand Le Grand, envisageait de déménager le poste émetteur à Epône près de Paris. (Lire à ce sujet "L'histoire de la radio en France" de René Duval - dont un extrait est accessible > ici <)

(3) Le livre "And the World listened" promis par Keith Wallis est finalement paru en février 2008. Voir les détails sur notre site, au chapitre : "Publications"